bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

lundi 23 avril 2012

Napoléon et l'affaire d'Espagne 2

Aranjuez

Cent mille Français se trouvaient déjà en Espagne, sans compter l’armée du Portugal.  Murat avait été choisi pour les commander.  Dans une proclamation, le généralissime demandait  à ses soldats : « de traiter les Espagnols, nation estimable sous tant de rapports, comme ils traiteraient les Français eux-mêmes, l’Empereur ne voulant que le bien et la félicité de L’Espagne ». 
Vers la même époque, Junot, chef de l’expédition au Portugal, publiait à Lisbonne, une proclamation toute différente, bien inquiétante pour les Espagnols, «  que la maison de Bragance avait cessé de régner, et que Napoléon, ayant pris sous sa protection le beau pays de Portugal, voulait qu’il fût administré et gouverné en totalité en son nom… »
En même temps, le général français prononçait la confiscation de toutes les propriétés de la couronne et imposait au peuple portugais une contribution de cent millions.  Peu de temps après, la cour d’Espagne apprit que plusieurs villes du pays et quelques places fortes se trouvaient sous contrôle français.

Depuis quelques temps déjà, Godoy était la cible des journaux français ; le Moniteur insérait des articles aux propos forts désagréables pour le ministre espagnol.
Le prince de la paix avait sujet à s’alarmer, la situation devenait, chaque jour, pour lui, plus critique.  Il n’ignorait pas que sa trop fameuse et surtout malencontreuse proclamation avait fort irrité l’empereur, et que si ce monarque exigeait son éloignement, il l’obtiendrait de la faiblesse de Charles IV. Il savait que sa disgrâce serait célébrée dans toute l’Espagne comme l’événement le plus heureux, enfin il avait  aussi à redouter le ressentiment du prince des Asturies, quand ce dernier succèderait à son père.  Espérant désarmer le courroux de l’empereur, et trouver auprès de lui un appui contre le danger qui le menaçait du côté de Ferdinand, il envoya à la cour des Tuileries, Don Eugénio Yzquierdo plaider sa cause. 

La malencontreuse proclamation

  Le prince de la paix, voyant la guerre près d’éclater entre la France et la Prusse, soutenue par la Russie, fut persuadé qu’une nouvelle coalition générale allait se former contre Napoléon. Cette coalition entraînerait inévitablement la chute du colosse.  Il se disposa à faire cause commune avec les ennemis de la France.  Il fit, de cette manière, le 3 octobre 1806, une proclamation véhémente au peuple espagnol, en l’appelant aux armes.  Cette proclamation était rédigée de manière à pouvoir être interprétée suivant les circonstances : toutefois, on ne pouvait s’empêcher de reconnaître qu’elle était dirigée contre la France et non contre l’empereur de Maroc, ainsi que Godoy chercha à  persuader Napoléon après la victoire d’Iéna.  Il lui envoya, à cet effet, une ambassade extraordinaire, pour tâcher de lui faire prendre le change sur les intentions du cabinet de Madrid, et le féliciter de ses triomphes.  L’empereur feignit d’être satisfait des explications qu’on lui donna.
« Voilà un compliment à qui la victoire a fait changer d’adresse »
Depuis lors, le roi d’Espagne et surtout Godoy, alliés de la France cherchaient à effacer l’impression fâcheuse qu’avait produite, sur l’esprit de Napoléon cette proclamation singulière.   

Revenant en toute hâte de Paris, dans les premiers jours de mars, Yzquierdo arriva à Aranjuez.  Napoléon proposait à Charles IV la cession du Portugal en entier, en échange des provinces espagnoles situées sur la rive gauche de l’Ebre.  L’envoyé fit entendre que la cour devait accepter cette proposition, ou se préparer à la guerre. 

Godoy

La reine et son ministre qui se débattaient dans un enchevêtrement de complots et de contre-complots virent le cercle se serrer autour d’eux.  Les événements se précipitaient.  Les troupes françaises se préparaient à marcher bientôt sur Madrid. 

Le traité de Fontainebleau foulé aux pieds, les Français maîtres d’une partie de son pays, le prince de la paix, ouvrit complètement les yeux.  Il jugea toute résistance inutile.  Le trésor était épuisé et l’armée espagnole inexistante.  Godoy engagea le roi et la reine à se retirer en Andalousie.  Il donna en même temps des ordres pour former à Talavera un camp, et faire rentrer en Espagne, sous prétexte de garder les côtes, une partie des troupes qui occupaient le Portugal.   Dans le Sud, la position serait favorable pour essayer de résister, de soulever la nation contre les Français.  Et si la nation ne répondait pas à l’appel de Charles IV, le favori proposait que son maître se réfugie au Mexique. 

Le bruit du prochain départ de la cour se répandit avec une grande rapidité. Ferdinand, le fils oublieux, de nouveau prêt à se révolter, interdit à son père de quitter Aranjuez et l’ambassadeur français, qui n’était pas dans les pensées de Napoléon, blâmait hautement ce voyage.  
Pour mettre obstacle au départ, excité par les agents du prince des Asturies, le peuple s’arma.  On accusait ouvertement Godoy d’avoir conseillé la fuite, de trahir l’Espagne, d’abandonner le peuple après l’avoir vendu aux Etrangers.

Aranjuez


Ce sont les mêmes scènes qu’à Paris – version espagnole – en 1791, lors du départ de Louis XVI.  Le peuple réclame son roi, son otage et son fétiche.  Les ennemis de Godoy, et ils sont nombreux, financiers, clergé, grands d’Espagne, attisent le tumulte.  «  Les mouvements populaires sont bien commodes pour les intrigants » dira plus tard Talleyrand. 

Le 17 mars, secondé de soldats, qui abandonnent leurs casernes, la population organise dans les rues, des patrouilles pour s’opposer à ce qui ressemble à un sauve-qui-peut de la famille royale.  Des domestiques du prince des Asturies se sont joints ou encadrent le mouvement.

Dans la nuit du 17 au 18 mars, un coup de fusil sert de signal. 

Aux cris de « Vive le prince des Asturies ! » et « Meure Godoy ! », la foule se porte en tumulte vers le palais de Godoy.  Elle se jette sur sa demeure, enfonce les portes, fouille les appartements, cherche le favori, ne le trouvant pas - elle cherche mal – de rage, elle brise tous ses meubles et les livre aux flammes.
.
Après cela cette multitude furieuse exige du roi la destitution du prince de la paix.  Devant la violence de l’émeute, sans réfléchir, le monarque leur accorde la disgrâce de son favori.  Le 18 mars, pour calmer l’affolement de son père, Ferdinand se porte garant de la fin des troubles.  C’était là avouer que lui seul avait déchaîné la tempête.    

Pendant ces événements, Godoy, caché dans un grenier de sa demeure, sous des tapis, souffrait de la faim et surtout de soif.  Le ministre déchu – il ne le savait pas encore - quitta sa cachette.  Il fit quelques pas. Reconnu, on se jeta sur lui.  Malmené par la foule, il fut arrêté.  La nouvelle arriva aussitôt au palais.  Charles craignant pour son favori, supplia son fils de le sauver de la foule.
Sous les acclamations, Ferdinand traversa une population en délire. Les soldats mutinés lui présentèrent l’ancien ministre, le visage ensanglanté, les vêtements déchirés et les mains enchaînées.
Les deux hommes se regardèrent un instant, l’un présentait une face du vaincu, l’autre un regard triomphant.

- Tu es roi maintenant ? lui demanda Godoy
- Pas encore, répondit l’autre, mais bientôt ».  

Tout était dit.

Le peuple calmé par Ferdinand,  et rassuré par la promesse d’un procès contre Godoy, se retira.

Mais Ferdinand n’était satisfait qu’à demi par la chute du favori.  Il lui manquait encore le pouvoir.  Pour échapper à l’insurrection et au coup d’Etat que préparait son fils, le roi, tenta un malheureux dernier effort pour fuir sur Grenade.  Tentative qui échoua en provoquant une nouvelle émeute à Aranjuez.  Sans Godoy, il ne restait de Charles IV qu’un vieillard apeuré.  Beauharnais vint le voir et le trouva bouleversé.  L’ambassadeur français l’exhorta à se confier à l’empereur, à ne plus avoir d’autre interlocuteur que lui.  Malgré les conseils de Beauharnais, épuisé et malade, Charles effrayé pour les jours de son favori, et tremblant pour sa propre sécurité se décida à l’acte qu’attendait Ferdinand avec impatience, il se laissa arracher la couronne du front.  Immédiatement, son fils la plaça sur la tête. 

Aranjuez

Ensuite, Ferdinand se laissa porter par une foule ivre de joie,  le peuple proclama Ferdinand VII comme son roi.  Godoy était un traître.  Charles IV et la reine furent frappés par le coup qui atteignait le prince de la paix, ils étaient tout par lui, incarnés en lui ; ils cessèrent d’être souverains quand leur pauvre ami fut captif. 

On ne peut se dissimuler qu’une abdication, survenue en telles circonstances et à la suite de trois séditions, ne fût pas un acte purement spontané et volontaire. 

On croyait avoir tout gagné avec la chute du favori et l’abdication de Charles IV.  Le ministère fut changé.  On rappela les personnes compromises dans le procès de l’Escurial.  L’Inquisition, affaiblie par Godoy, reprit son activité.  On suspendit la vente nécessaire des biens de l’Eglise, pourtant approuvée par le Pape.  Malgré les lois, les biens du prince de la paix furent saisis.

Ferdinand

Le peuple porta en triomphe le buste du nouveau souverain, livra aux flammes celui de Godoy, sa maison fut démolie ainsi que celles des personnes de sa famille.  Les provinces suivirent l’exemple de la capitale.  Partout même enthousiasme pour Ferdinand et même haine pour Godoy.

Cependant une inconnue demeurait pour Ferdinand et ses partisans : comment allait réagir le maître de l’Europe devant ce changement brutal de régime ?

A suivre… 




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire