bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

dimanche 11 mars 2012

Marie de Médicis à Compiègne


La journée des dupes, après avoir frappé la cour de stupeur et un moment désorganisé le parti des mécontents, parut bientôt éphémère dans ses résultats ; les appétits restaient en éveil. Abritée derrière la reine mère, Marie de Médicis, une bande d’ambitieux affamés s’agitait. De nouvelles conspirations avec l’étranger se nouaient.
Louis XIII, qui tout jeune s’était saisi de sa couronne, n’entendait pas l’abandonner. Il ne pouvait permettre que s’épanouit plus longtemps l’audace des conjurés. Pour cela, il pouvait compter sur son ministre, le cardinal de Richelieu. Cependant l’énergie qu’exigeait la répression lui imposaient à l’égard de sa mère des ménagements particuliers.

Pour la séparer de ceux qu’il voulait frapper, il essaya d’abord de l’attirer à lui. Une démarche fut tentée pour la faire entrer dans le Conseil royal. Marie, par crainte d’être mêlée à la répression contre ses partisans, refusa. Elle devint dès lors une menace pour le trône de son fils, servant, malgré elle, d’emblème aux comploteurs et aux ennemis de l’extérieur.

Les arrestations faites au lendemain de la journée des dupes n’avaient pas suffi, la répression devait désormais viser plus haut. Les événements se précipitaient, elle se devait d’être rapide.

Le 30 janvier 1631, en l’absence de Louis XIII, Monsieur, frère du roi, bien accompagné, se rend chez Richelieu. La main appuyée sur la poignée de l’épée, le duc d’Orléans, menaçant, dénonce l’amitié jurée, sa soumission qui passe aux yeux de tous pour une lâcheté et le traitement injuste que l’on fait à sa mère. Après cette bravade, le duc, prudent, quitte la cour sans prendre congé du roi, comme l’usage le commande. Monsieur, monte en carrosse et gagne Orléans.

Louis XIII, prévenu par le cardinal de la provocation, revient en toute hâte à Paris. Un gentilhomme de la maison de Monsieur, resté au Louvre, présente les excuses de son maître. Monsieur est parti pour ne plus souffrir les violences que le cardinal faisait contre sa mère.

De ces assurances et de ces accusations, le roi n’est pas dupe. Gaston au loin, il le déclare à sa mère.
Quelques jours plus tard, Louis annonce qu’il passera le carême à Compiègne. Anne d’Autriche, son épouse, et la reine mère l’accompagneront. Les deux reines arrivent le 16 février. Elles précèdent le roi.

La dangereuse alliance des ennemis de l’Etat avec l’étranger, le crédit que leur donne la personne de la reine mère, la persistance de la reine mère à rester dans sa haine contre le cardinal - Marie est d’un pays et d’une famille où l’on pardonne peu à l’offense faite - En réaction, Richelieu propose au roi de se séparer de la reine mère. Le roi l’abandonnera, imitant ainsi le même procédé de Monsieur envers lui. Après avoir tenté une ultime démarche auprès de sa mère, Louis approuve l’idée de son ministre.
La conciliation est devenue illusoire et la rigueur inévitable. Des dispositions sont prises, les ordres sont donnés. Le 23, au petit matin, tout le monde dort encore, le roi quitte Compiègne, abandonnant le château aux deux reines. La charge de faire exécuter ses décisions est confiée au maréchal d’Estrées. Comme Louis craint un coup de force tenté en faveur de la reine mère, comme jadis aux Ponts de Cé, il a laissé à Compiègne de nombreuses troupes. Les instructions que le maréchal a reçues précisent que Marie de Médicis ne peut quitter Compiègne sans l’autorisation royale. Quant à la reine de France, Anne d’Autriche, elle sera conduite immédiatement à Paris.

A Paris, on ne chôme pas, le roi écarte les intrigants et les conseillers de la reine mère les plus dangereux. Déjà le 13 janvier, Mesdames du Fargis et de Lavaur avaient été priées de quitter la cour. Le médecin de Marie, Vautier, emprisonné. La princesse de Conti, fille d’Henri de Guise, l’exécuté de Blois, exilée. Les duchesses d’Onano et d’Elbeuf, le connétable de Lesdiguières, éloignés. Le maréchal de Bassompierre et l’abbé de Foix, embastillés. D’autres s’échappent ou rejoignent Monsieur à Orléans.


A Compiègne, le réveil de la reine mère a un goût étrange. Le château se révèle vidé de ses hôtes. Elle reste seule dans la grande demeure royale. Ce grand palais déserté lui inspire une très vive inquiétude. Inquiète par l’approche de sanctions inconnues, pensées par Richelieu, dont elle soupçonne, malgré tout, la gravité, elle se fait humble et douce. Elle essaye, s’il en est encore temps, d’y échapper. Le jour même, elle adresse au roi, une lettre. Un appel pathétique, elle réclame justice et accuse Richelieu d’être le responsable de toutes les calomnies contre elle. Au même moment, pour se prémunir des rumeurs, le roi fait publier un texte destiné à tous les parlements, aux gouverneurs des provinces et aux villes détaillant les raisons de la mise en sûreté de la reine mère.

« …Et parce qu’on avoit aigry la Royne, nostre tres-honorée Dame & Mere, contre nostre tres-cher & bien amé Cousin le Cardinal de Richelieu ; Il n’y à instance que nous n’ayons faite, priere, ny supplication que nous n’ayons employée, ny consideration publique & particuliere que nous n’ayons mise en avant pour addoucir son esprit…Pour cette raison estant apres une longue patience venu en cette ville de Compiègne, afin que la Royne bien intentionnée de soy-mesme, elloignée par ce moyen de beaucoup de mauvais esprits, conspirast plus facilemet aux moyens iustes & raisonnables, pour arrester le cours des factions qui se formoient en nostre Estat… »
Lettre du roy, envoyee à Messieurs les Prevost des marchands et eschevins de la ville de Paris, le XXIII février 1631 (extraits)

Le lendemain, le 24, monsieur de la Ville aux Clercs, secrétaire d’état, communique à Marie les ordres de Louis. Le roi prie sa mère de gagner immédiatement Moulins et d’y rester. Elle y aura le gouvernement du Bourbonnais qu’elle a toujours souhaité. Elle est libre d’accepter ou de refuser la proposition. La réponse de Marie est très réservée. Elle remercie le roi, et mène encore une charge contre le cardinal.

A partir de ce moment, une lutte longue et tenace commence. Marie conserve encore autour d’elle, quelques proches. Parmi ceux-ci, le père Suffren, qui est resté près d’elle à la demande du roi et son secrétaire, Cottignon. A l’insu de la reine mère, Cottignon, sentant le vent tourner, offre ses services au roi, c’est-à-dire à Richelieu.

Suffren et Cottignon deviennent les agents du maréchal d’Estrées. On va les utiliser, ils renseigneront. On leur demandera de sonder les intentions de Marie et de l’influencer dans ses décisions.

Marie trouve de nombreux prétextes pour éviter l’exil. Le roi cède sur tout, sauf sur Moulins.
Compiègne est trop près de la frontière, un accord des mécontents avec l’ennemi espagnol rendrait la position de la France difficile. Il faut absolument éloigner la reine mère.

A tous, Marie se plaint d’être prisonnière de son fils.  Le duc d’Orléans et les siens, avec joie, relayent les cris de la reine mère.
Mais la réalité est autre. Si Marie ne peut quitter Compiègne, elle reçoit cependant qui elle veut et sort quand elle veut. Mais la police surveille, lorsqu’elle monte en carrosse, averti, le maréchal se présente suivit d’un capitaine des gardes et de quelques gentilshommes en réclamant l’honneur de l’accompagner.

Marie retarde son départ au 20 mars, le roi s’impatiente. Pour la presser, il envoie de nouvelles troupes à Compiègne. Fini l’indulgence. Si elle persiste à ne pas vouloir quitter le château, la surveillance se fera plus rigoureuse. S’il le faut, on l’isolera complètement de l’extérieur. L’effet de cette menace est absolument nul, Marie multiplie les embarras pour ne pas s’en aller.

Les soldats sont partout, au grand désespoir financier des habitants de Compiègne. Entretenir les troupes, réparer leurs dégâts, cela coûte. Nul ne peut sortir de la ville sans un billet du maréchal, les hôteliers doivent communiquer les noms des voyageurs. Des soldats gardent la terrasse du château.

Dans la demeure, rien de nouveau, Marie conduit toujours les mêmes discussions stériles.

A présent, la reine mère, fait la grève ; elle ne sort plus du tout du château ; elle envoie, à sa place, ses filles se promener. Le roi lui interdit la visite de l’ambassadeur d’Espagne, mais autorise celle du représentant de Florence.

Une atmosphère de complots enveloppe la cité dans laquelle rôdent de nombreux espions.

Marie est inquiète, le cardinal la persécute. Elle connaît bien Richelieu. C’est elle qui l’a introduit à la cour, comme on introduit un loup dans la bergerie. Aujourd’hui, la reine mère s’en mord les doigts. Ce départ pour Moulins la préoccupe. Sous prétexte de la conduire dans cette ville, on veut l’embarquer sur un bateau qui du Rhône la conduira à Florence. L’objectif du cardinal est de la renvoyer en Italie, loin de la France et de la cour. Une fois monté en carrosse on pourra la mener où l’on voudra. Voilà la pensée de la reine mère. On lui propose alors Angers, c’est une diversion. Déjà elle se sent emprisonnée plus étroitement.

La pression augmente, de nouvelles troupes arrivent. Gaston s’agite, appelle les Lorrains à son aide, activités vaines quand on connaît l’homme.
Nous sommes le 22 mai, Marie n’a toujours pas quitté Compiègne. Le roi attend, malgré les nombreuses plaintes de sa mère, il ne cède pas : elle doit se rendre à Moulins.

A Compiègne, la situation des gardiens est pénible, le service n’est pas des plus facile, Marie complique tout à plaisir. Cottignon et Suffren sont dans une demi-disgrâce. Ils n’ont pas réussi dans leur mission. Les soldats indifférents et indisciplinés, laissent passer tout le monde. Les hommes du roi sont découragés. Le maréchal, lui-même, demande avec insistance son rappel.
La Médicis joue avec ses nerfs. Tout lui est bon pour rendre la vie du maréchal impossible. Elle tient absolument à se purger avant de partir, et, pour cela il lui faut son médecin. Or, celui-ci se trouve emprisonné. Cette affaire occupe pendant plusieurs semaines toutes les conversations entre le maréchal, Cottignon, le père Suffren, et, les correspondances avec le roi. La reine veut se purger ! la reine ne s’est pas purgée ! la reine se purgera ! la reine ne se purge toujours pas ! La reine veut son médecin. L’arrestation de Vautier met la vie de ta mère en péril écrit-elle à Louis.
Et la reine ne part toujours pas !

Subitement, le 1er juin, éclate au milieu de cette lassitude générale un coup de théâtre. Le roi demande de faire sortir immédiatement de Compiègne toutes les troupes. Le roi autorise le départ du maréchal. La raison apparente est le refus de Marie de partir tant qu’elle sera entourée de soldats. Cependant la lettre du roi au maréchal est d’une autre portée. Après avoir rappelé les efforts inutiles de ses ambassadeurs pour convaincre la reine mère de suivre ses désirs, le roi ajoute : « lesquels sont maintenant tout autres … ».

Toutes ces discussions stériles et oiseuses ont fatigué le souverain. Cette fois il a décidé d’abandonner réellement sa mère. Il ne lui adressera plus aucune lettre. Elle fera comme bon lui semblera. De toute manière la police de Richelieu veille, ses amis sont épiés, ses lettres lues, ses projets percés à jour. Le roi sait tout ce qui se dit ou se fait dans les appartements de sa mère.

Le 9 juillet, toujours à Compiègne, Marie apprend que Gaston a fait appel au parlement contre le roi. Elle tente par une supplique similaire de renforcer l’action de son second fils.

Si la reine mère ne veut pas quitter Compiègne, se dit le cardinal, c’est qu’elle a des projets. Du reste le ministre sait que Marie est engagée avec Monsieur et les Espagnols.

Les événements vont se précipiter maintenant.

Depuis quelques temps, au nord de Compiègne, dans le village de Sains, devant l’auberge de l’Etrille, trois carrosses tout attelés font halte chaque soir. Le 15 juillet, à trois heures du matin, un chariot quitte Compiègne. La veille, six hommes ont chargé un coffre immense sur le véhicule qui se dirige à présent vers les Pays-Bas. Bavards, les deux conducteurs racontent à qui veut l’entendre qu’ils transportent les bagages de la reine mère. Le même jour, à l’auberge de l’Etrille, un cuisinier prépare un repas, qu’il annonce à tout venant être celui de la reine mère.
Pas difficile dans ces conditions, pour les espions du cardinal, de prévoir ce qui va se passer.

Le 18 juillet, vers dix heures du soir, lorsqu’elle croit la nuit suffisamment obscure pour qu’on ne la reconnaisse pas, Marie quitte le château. Elle se dirige à pied, vers les remparts et la porte Chapelle. Au bras d’un gentilhomme, La Mazure, elle s’engage sur la route de Soissons. Personne n’a envie de s’opposer à son projet. A distance, Massé, lieutenant de ses gardes, la suit. Quelques centaines de pas plus loin, un cavalier vêtu de sombre et un autre homme à pied, se joignent au petit groupe. Marcel Hébert, concierge de la porte Chapelle regarde tout ce monde s’éloigner. D’une parole sonore, il interpelle ces gens ; il avertit qu’il va fermer. Une voix lui répond d’en faire à sa guise - Nous ne rentreront plus dans la ville.

Au tournant de la route de Choisy attend un carrosse attelé de six chevaux bais. C’est celui de madame du Fresnoy. Afin de ne pas attirer l’attention, celle-ci est sortie de Compiègne par une autre porte, celle de Pierrefonds. La Mazure fait aussitôt monter la reine dans son carrosse. Cinq ou six cavaliers entourent à présent la voiture. L’un des cavaliers, le visage à demi-caché dans son manteau brun, entraîne le cortège au grand trot vers Choisy.
Sur la route, au loin, on aperçoit deux chevaux attachés au bord de l’eau et leurs maîtres, probablement des gardes de la reine mère. Le convoi doit traverser la rivière et ils surveillent le bac. On a bien fait de s’y prendre d’avance, car le passeur vient de décéder. Un nommé Laurent Robiquet le remplace. Il servira de guide. Il passe le carrosse avec ses six chevaux, les dames, les cavaliers, les montures, et prend ensuite la tête du convoi. Sur la rive, trois hommes armés de pistolets sont restés. Ils enchaînent et cadenassent le bateau. Ils demeureront là jusqu’au lendemain 10 heures. Ils doivent empêcher tout passage et protéger la fuite de Marie.

Le carrosse avec son escorte a franchi le Mont des Singes dans la forêt de Laigue, longé le parc d’Offémont, traversé Tracy et Chauny, passé à quatre heures du matin à Blérancourt et atteint vers huit heures, le village de Rouy. On passe ensuite à Pont-sur-Serre et à Sains.

Ce village est le quartier général des conjurés. On y retrouve sept ou huit gentilshommes et les trois carrosses. Le jeune de Vardes, acquis à la reine mère, a envoyé un messager porteur de nouvelles inquiétantes.


Le but de Marie est de s’enfermer dans la Capelle-en-Thiérache et d’y appeler les Espagnols.
Cependant les conjurés ont compté sans Richelieu. Le cardinal n’a rien ignoré de leur complot. Il a pris ses dispositions.
Le retrait des troupes de Compiègne n’avait qu’un but : ne pas entraver le suicide politique de Marie. Habile cardinal !

Prévenu par Richelieu, le vieux marquis de Vardes, fidèle au roi, a repris la place forte de Capelle-en-Thiérache à son fils qui en était le commandant. Il a chassé tous ceux qui lui semblaient suspects et levé les ponts. C’est alors que les expulsés envoient un cavalier à Sains, pour avertir Marie de changer ses plans. L’émotion de la fugitive est extrême. Si elle renonce à son projet, l’humiliation l’attend et un transport forcé vers quelque place forte bien murée et si elle persiste à gagner La Capelle, sa liberté sera encore plus vite perdue.

Malheureuse équipée entraînée vers le pire.

Alors, elle dîne rapidement dans son carrosse, puis reprend la route. La reine mère a décidé. Elle ne retournera pas à Compiègne, n’ira pas à Capelle, elle gagnera Bruxelles. Le convoi se dirige à présent vers Sorbais. La reine mère veut coucher à Estrun de l’autre côté de la frontière.
Le lendemain, dimanche 20 juillet, vers quatre heures de l’après-midi, la fugitive fait dans Avesnes une entrée triomphale, sans même s’apercevoir que ce triomphe est celui de son ennemi.
En se retirant auprès de l’ennemi, elle se condamne aux yeux des bons Français et agit contre le sentiment de la nature envers son fils écrit Richelieu.

Sa sortie de France vient de la perdre, de la découronner. La reine mère ne constituera même plus un instrument utile aux mains des Espagnols.

Lire la suite : 

Marie de Médicis et Gaston d'Orléans à Bruxelles

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