bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

lundi 20 février 2012

Canova Antonio, fils d'un tailleur de pierres, 1ere partie



Antonio Canova

Le goût cède facilement à l’enthousiasme général.  En matière de littérature et d’art, il est toujours difficile de mesurer exactement le génie.  Célèbres aujourd’hui, oubliés demain, tel est la règle commune pour beaucoup.  Stendhal dans son « Itinéraire dans Rome au voyageur pressé » recommande une visite à l’atelier de Canova, mais oublie Michel-Ange - une petite mention pour la chapelle Sixtine, pas plus – Du reste, l’auteur de la Chartreuse de Parme, ne fait guère d’éloges au génie de la Renaissance.

Canova, que Stendhal exaltait, sacrifiant à la mode d’alors, est à présent quasi oublié.  Les critiques lui accordent un talent aimable, gracieux et c’est tout !  Et pourtant…  Fils d’un tailleur de pierres, Antonio Canova naquit avec un véritable sens de la sculpture. 

Il vit le jour près de Trévise, dans le gros village de Possagno, le 1er novembre 1757. 
Dès l’âge de cinq ans, la masse et le ciseau en main, il tailla la pierre.  Vers ses quatorze ans, devenu orphelin, son adresse à manier le ciseau, attira l’attention du sénateur vénitien Falieri.  A Venise, ce Falieri plaça le bambin chez le sculpteur Torretti.  Un sculpteur qui ne laissera pas de grands souvenirs.  Cependant Antonio fit auprès de lui de réels progrès.  La ville conserve encore ses premiers essais : deux corbeilles à fruits en marbre, destinées à orner la rampe d’escalier de Falieri.  Après le décès de Torretti, le jeune Canova continua quelque temps son apprentissage chez Ferrari, neveu de son premier maître.  Il le quitta pour l’académie des Beaux Arts où son habilité lui fit remporter plusieurs prix.

Quelques années vont passer.

Depuis trop longtemps, privilégiant la peinture et l’architecture, la cité des doges ne possédait pas un statuaire digne d’elle.  La présence dans ses murs du jeune Canova au talent prometteur va lui en donner l’occasion.

Il a vingt-deux ans lorsqu’il signe son premier groupe : Dédale et Icare.  Enchanté de cet ouvrage, le sénat vénitien lui octroie une pension de 300 ducats, et l’envoie parfaire son éducation artistique à Rome.

Le jeune artiste ne se doutait pas encore qu’il était destiné à renouveler avec éclat les doctrines de l’antiquité.  Il y avait chez lui, une vivacité extraordinaire d’imagination et une capacité d’action et d’exécution rapide.  Il joignait à cela une passion d’apprendre.  De ses nombreuses lectures, jaillissaient sous son burin tous les héros antiques de ses bas-reliefs : La mort de Priam – Socrate buvant la ciguë et congédiant sa famille – le retour de Télémaque à Ithaque - …

En 1779, après trois siècles de fécondité et de productions remarquables, l’Italie avait épuisé tous les goûts, toutes les manières et tous les styles.  L’art du Bernin triomphait toujours.  La statuaire avait perdu son caractère de l’antique.  Cependant au XVIIe et XVIIIe siècles, les découvertes de villes anciennes, Velléia, Pompéi, Herculanum ranimèrent la curiosité des amateurs et des savants.  Elles rallumèrent le flambeau de l’antiquité chez certains artistes.  Par son Histoire de l’art antique, Winkelmann donna une forte impulsion au renouveau du goût ancien.  Déjà quelques uns militaient en faveur d’une révolution artistique, devenue nécessaire par l’immobilisme de l’art.  Leurs conseils et leurs travaux intéressèrent Canova.  Le jeune homme étudia, entre autre, la théorie de l’art comme la concevait le peintre néo-classique Raphaël Mengs, directeur de l’académie de peinture de Rome.  Il mit en pratique toutes les leçons acquises.  Il se fraya ainsi une route nouvelle, celle du néo-classicisme.  Le succès arriva vite, Amour et Psyché, Vénus et Adonis, les trois grâces, Pâris, Mars et Vénus et surtout Madeleine repentante qui est sans doute son chef-d’œuvre. Un sujet tout neuf que cette Madeleine, aucun ouvrage, aucune tradition ne lui prescrivait le genre, le style, l’ajustement ou la proportion, rien dans l’antique, rien dans le moderne.  Une vraie création moderne qui sera entourée, lors de son exposition, d’une admiration universelle.

De si belles œuvres avaient rendu Canova célèbre dans toute l’Europe.  Pendant les troubles de l’Italie, en 1798 et 1799, Canova demeura à Rome.  La misère ravageait la population.  Chaque jour, la situation s’aggravait.  L’artiste eut pitié de ses malheureux compatriotes.  Abandonnant ses travaux, il employa tous ses moyens pour les secourir.  Ne pouvant rien faire de plus, Canova prit le parti de retourner, chez lui, à Venise.  De là, il accompagna en Autriche et en Prusse le prince vénitien Rezzonico. 

Pendant le voyage, de grands changements s’opéraient dans les affaires de l’Europe et dans la situation politique de l’Italie.  Le pape Pie VI, prisonnier, était mort en France.  Un nouveau pape fut élu à Venise et ramené à Rome, sous le nom de Pie VII.

Canova revint à Rome.

A son retour, l’artiste mit de l’ordre dans ses affaires.  Jusqu’à présent il avait vécu à peu près seul, trop occupé de ses travaux pour penser à la gestion de son atelier.  Il sentit le besoin de remettre la partie administrative de son « entreprise de sculpture » à son frère. 
Il ne vécut plus, dès lors, qu’entre sa mère, son frère et dans son art pour son art.

Le pape Pie VII  rétablit pour Canova, un emploi autrefois créé pour Raphaël par le pape Léon X ; il le nomma inspecteur général des Beaux-Arts.  Le premier projet que notre nouvel inspecteur présenta au pape fut celui d’agrandir le musée du Vatican.  Il fit encore entreprendre des fouilles, qui s’étendirent depuis l’arc de triomphe de Septime Sévère jusqu’au Colisée.  Il proposa aussi une foule d’autres projets …

Demandé en France par Bonaparte, il quitta Rome en octobre 1802.  Accueilli à Paris avec tous les témoignages d’estime et d’admiration, Canova fut reçu comme membre associé étranger de la classe des Beaux-Arts de l’Institut, auquel appartenait un certain Denon, surintendant des Beaux Arts. 

Canova vint au château de Saint-Cloud pour modeler la figure du premier Consul.  Il devait faire sa statue colossale.  L’artiste venait souvent dans l’espoir de faire poser son modèle.  Ces séances causaient à Bonaparte tant d’ennui et d’impatience qu’il ne posait que rarement et pendant peu de temps.  «  Encore poser ! mon Dieu, que cela est ennuyeux ! » murmurait-il en haussant les épaules.  Evidemment, l’image s’en ressentait.  Cependant Bonaparte montrait à Canova les plus grands égards.  Chaque fois qu’on l’annonçait, il envoyait Bourrienne, son secrétaire, lui tenir compagnie.  Le brave homme restait avec le sculpteur jusqu’au moment où le premier Consul pouvait lui accorder la séance.  Canova éprouvait beaucoup de déplaisir de ne pouvoir étudier convenablement son modèle, et le peu d’empressement de Bonaparte refroidissait son imagination.  Achevée quelques années plus tard, la statue représentait Bonaparte en « Mars désarmé et pacificateur ».  Beaucoup de monde s’accorda à dire qu’elle ne correspondait pas à ce que l’on attendait.  Bonaparte s’exclama en voyant l’œuvre : « Canova croit que je me bats à coups de poing ? ».  L’empereur interdit de la rendre publique.  Pour la dérober aux regards, un rideau de soie verte la recouvrit et on clôtura de planches l’ensemble.  Aucun journal, n’en rendit compte - Blackout - Refusée, la statue du dieu de la guerre, fut abandonnée et oubliée dans une salle basse du Louvre.  Elle devint le 16 septembre 1816, pour la somme de 66.000 francs, la propriété du duc de Wellington.  Le vainqueur de Waterloo la fit placer dans le vestibule de son hôtel de Londres, où elle se trouve encore.

« L’élévation de cette statue est telle, disait ironiquement Byron, que, vue de dos, la partie mitoyenne du corps de Napoléon se trouve juste à la hauteur de Lord Wellington ».

Canova juge suprême en matière de beauté à cette époque prendra une belle revanche.  Sa plus célèbre sculpture la Vénus Victrix ou la Vénus triomphante va bientôt voir le jour.  Une « Vénus moderne », impériale, aux formes créées pour le marbre, et, dont les lignes du visage reflèteront, dans peu de temps, la lumière des camées antiques.


Parmi les trois sœurs de Bonaparte, Pauline était la plus jolie.  Elle ne l’ignorait pas. 
Elle avait épousé en premières noces le fils d’un meunier de Pontoise, le général Leclerc.  Commandant de l’expédition de Saint-Domingue en 1801, il y mourut de la fièvre jaune.  Madame Leclerc, qui avait suivi son mari dans cette aventure, devenue veuve retourna naturellement en France.  Elle traînait après elle le cercueil de son mari qu’elle ne quittait pas d’un oeil.  Quoique fort lourd, ce cercueil renfermait l’âme plutôt que le corps du général, car il ne contenait que l’or et les bijoux que la Belle avait rapporté de Saint-Domingue.  Pauline épousa par après, le prince Camille Borghèse. 

Ce fut pendant ce deuxième mariage que se situe l’épisode de son marbre par Canova. Elle fit faire, allongée, sa statue en Vénus par le célèbre artiste.  Elle parut comme Vénus naissante de l’écume des eaux parut.  Pauline se montra sans aucune draperie au ciseau de Canova.

Cette statue est l’une des plus gracieuses que Canova a produite. Vénus sortie victorieuse du combat de la beauté se repose sur un lit.  Elle semble jouir du prix de sa victoire : la pomme d’or qu’elle tient d’une main.

Ce marbre triompha au palais Borghèse, où il fut, pendant un certain temps, exposé et livré aux jugements du public.  Le cortège des amateurs romains et étrangers ne cessait pas de se presser autour de la Vénus.  Le jour ne suffisant plus à leur admiration, on ouvrit le soir.  Ils obtinrent ainsi de pouvoir considérer la déesse à la lueur des flambeaux.  On fut enfin obligé d’élever une barrière pour protéger la statue contre la foule, qui ne cessait de s’entasser.

Après cet intermède, Napoléon s’empara de l’Etat pontifical.

A suivre…

Vénus Victrix

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