bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

mercredi 25 janvier 2012

Olivier le Daim ou un Flamand ministre du roi de France Louis XI

Louis XI

Olivier Necker, Olivier le Diable, Olivier le Mauvais ou Olivier le daim, quatre noms pour un même homme.  Quatre physionomies, sombres et passionnées. Un assemblage étrange de manant, de valet, de ministre et de seigneur.  Le tout dans un décor de fin du moyen âge.

Né vers 1428, l’homme de petit état, vient de Flandre.  Il arrive de Tielt, près de Courtrai. Louis, encore dauphin, l’a rencontré quelque part, pendant son exil à la cour de son bel oncle, Philippe de Bourgogne.  L’homme a séduit le prince rebelle.  Il ne le quitte plus.  Louis en a fait son barbier, son confident et son conseiller.   Le dévouement du Flamand pour Louis ne se démentira jamais.  Il lui restera fidèle jusqu’à la fin.
Commines raconte qu’Olivier avait coutume de se promener seul et muni d’une lanterne sourde dans les châteaux et maisons de plaisance que son roi habitait.  Sa vigilance était remarquable.  Mais veillait-il seulement à la sécurité du roi ou surveillait-il les gens et les gardes du roi ?  Peut-être les deux.

Le 10 octobre 1474, le roi délivra Olivier le Mauvais de son nom.  Il lui substitua celui d’Olivier le daim, plus présentable, du moins apparemment.  Il semble qu’à cette occasion,  Louis XI, narquois et malin à plaisir, voulut seulement donner un synonyme à « Mauvais », qui est l’un des noms du démon.  Le roi trouva « daim ou dain » qui déguisait le mot « damnatus », damné.
Par une allégorie, le roi de France plaça dans l’écu d’Olivier le daim, un rameau d’olivier accosté à gauche par un chevron accompagné en pointe par un daim passant et à droite une corne de daim.  A Tielt, ville natale d’Olivier, une statue le représente des cornes sur la tête – humour flamand ?

Le bougre fait carrière, d’abord barbier, puis gentilhomme de la chambre du roi, ensuite capitaine de Loches et gouverneur de St-Quentin,  établi comte de Meulan, nommé ministre des finances et concierge du château de Vincennes, propriétaire du vivier de ce château, plus encore quelques autres charges et bénéfices.

Sur le pont de Meulan sont exposées ses armoiries, il y prend péage.  Sage serait le comte Olivier de ne taxer que les piétons venant de Normandie.  Un jour il taxera aussi les belles, et cette contribution non consentie le perdra.

1477 -  Charles le Téméraire meurt à la bataille de Nancy, sa fille, Marie, encore mineure, hérite du duché.  Le roi de France est son parrain.  Il a porté l’enfant sur les fonts à Bruxelles.  A présent, Louis va employer Olivier dans la partie qu’il joue contre la Bourgogne.  L’Hallali est donné.  Louis veut en finir avec cette maison de Bourgogne qui met, depuis longtemps, en danger la couronne de France.

Flamand, Olivier savait la langue du pays.  Il avait vécu quelques temps à Gand, ville dont la population se révoltait régulièrement.  Pendant deux années, les Gantois avaient mené la guerre contre leur seigneur, Philippe le Bon.  La grande faveur dont Olivier jouissait auprès du roi, attirait en France de nombreux commerçants gantois.  Par de menus services et des réceptions courtoises, il s’en était fait des amis.  Considérant qu’Olivier serait plus agréable à la bourgeoisie flamande et qu’il réussissait admirablement dans les conversations, le monarque jugea à propos de l’envoyer comme ambassadeur auprès de l’héritière de Bourgogne. 

Habile, le roi ne lui donna rien par écrit.  De vive voix, il instruisit son ministre de tout ce qu’il avait à faire.

Le prétexte de son ambassade était de faire sentir à la princesse l’intérêt qu’elle avait de se confier entièrement à son parrain Louis.  Mais le véritable objet de sa mission était de séduire les Gantois.  Le roi voyait ceux-ci comme les plus séditieux.  Olivier devait jeter en eux les semences d’une révolte.  Il devait incriminer le gouvernement de Marie, exagérer ses abus, vrais ou supposés et encore insinuer une demande de réforme auprès du roi de France, seigneur suzerain de la Flandre.  Telle était son rôle.

Les états et Marie de Bourgogne se tenaient à Gand.  Olivier parut dans cette ville avec éclat, tint un état considérable, donna grandes fêtes et riches repas.  Obéissant aux instructions royales de s’attacher les Gantois, sa maison était ouverte à tout le monde.  Informés, la cour et les conseillers de Marie voyaient d’un très mauvais œil les activités anti-bourguignonnes de l’ambassadeur de France.  Olivier ne se pressait pas de demander audience.  On la lui offrit, afin de s’en débarrasser.  Un traquenard l’y guettait.

Gand, le château des comtes

Arrivé à l’hôtel-de-ville, où la jeune duchesse l’attendait - l’audience était publique - Olivier montra ses lettres de créance.  On lui demanda ensuite l’objet de sa mission. Conformément aux ordres du roi, il répondit qu’il ne pouvait le confier qu’à la princesse, dans une audience particulière.  Tous savaient son origine humble et comptaient bien s’en servir.  Les Bourguignons voulaient à tout prix se défaire de l’encombrant.  Le prétexte était tout trouvé.  Les conseillers d’état lui montrèrent l’indécence qu’un homme de sa sorte puisse être admis à un entretien secret avec une princesse.  Dans ces conditions, Olivier demanda de reporter l’entrevue. On refusa.  On cherchait à le pousser au bout de ses retranchements, à lui faire commettre des fautes  Avilir l’homme, c’était peut-être aussi une manière de gifler le roi de France, l’ennemi.  Alors, on l’incite, on le presse, il doit dévoiler devant tous, le contenu confidentiel de sa mission.  Dans la salle, l’atmosphère s’alourdit, des dizaines de regards scrutent Olivier – il tient bon - et répond qu’il ne peut le faire publiquement.  Il ne doit parler qu’à la princesse.  On l’accule, opiniâtre, il résiste.  De plus en plus, l’orage menace, l’hostilité de l’assemblée grimpe.  Des murmures, et puis d’un coup une phrase assassine. Elle rabaisse l’ambassadeur de France - Qu’a-t-on à faire d’un médecin, la princesse se porte bien –  La tempête éclate – violente – des bousculades, des cris et des injures qui pleuvent sur Olivier, quelques-uns parlent même de le jeter par la fenêtre.  Devant ce déchaînement de fureurs, l’ambassadeur de Louis XI juge plus sage - plus diplomatique - de quitter les lieux, de quitter la ville. 

S’il n’a pu rencontrer la duchesse en privé, il a tout de même rempli le véritable objet de sa mission.  Mais il ne reste qu’un pion dans la politique de Louis.  Deux autres pions, Hugonet et Imbercourt conseillers de la duchesse Marie sont secrètement acquis à la couronne de France.
  
A son retour de Gand, Olivier fit entrer par surprise des troupes française dans Tournai.  En ce temps-là, la ville oscillait entre la France et les Bourguignons, Olivier y avait des intelligences.  Quelques bourgeois lui livrèrent la cité convoitée.  Grâce à Olivier, Louis XI se vit bientôt maître de cette portion d’héritage de la Bourgogne située en France.  Olivier s’était vengé de l’affront de Gand et avait, en même temps, encore servi les intérêts de son maître.

Le roi ne dit rien de l’insulte faite à son ambassadeur. Olivier continua à jouir de la faveur royale.

Olivier le Daim
Louis XI, que la seule l’idée de la mort effrayait, avait menacé du dernier supplice quiconque l’avertirait du moment où il devrait se préparer à mourir.  Ce moment venu, seul Olivier entreprit ce que même le confesseur du roi n’avait osé.  Au péril de sa vie, la menace était réelle, il annonça au roi, la terrible nouvelle.  Comme il se refusait de mourir, le roi n’avait jamais songé à faire son testament.  Pris de court, seulement quelques instants avant d’expirer, il recommanda le jeune roi Charles VIII à Anne de Beaujeu, sa fille aînée.  Anne, au nom de son frère s’empara du pouvoir.

La cour, à cette époque là, se partageait entre trois partis, chacun conspirait.  Néanmoins ils furent tous d’accord sur un point, ce fut d’immoler à la vengeance publique les trois principaux conseillers du roi défunt.  

Madame, c’est ainsi qu’on nommait Anne de Beaujeu, cherchait à se concilier ceux que son père avait persécutés.  Anne s’appliqua à gagner l’estime des grands et du peuple.  Elle diminua les impôts, congédia six mille Suisses qui coûtaient beaucoup.  Elle ouvrit les prisons, fit revenir d’exil les malheureux injustement condamnés par son père et leur rendit leurs biens.  En même temps, elle décida de livrer à la justice les hommes que son père avait comblés de bienfaits.  Ces hommes, Louis, à l’article de la mort, les avait particulièrement recommandés à son fils.  La rumeur leur attribuait des excès monstrueux et probablement la crainte qu’ils avaient inspirée portait à exagérer leurs crimes.  Les violences, les injustices et les cruautés de Louis XI avaient révolté tous les esprits.  On livra donc, à la vindicte populaire Olivier, Doyac et Cottier.  Chargé de crimes et d’autres, Olivier devint la principale victime des Grands et du peuple. 

On les arrêta, au moment où ils s’apprêtaient à quitter Paris - 1483 -  Ils furent conduits au fort l’évêque où les reçut le gouverneur Godefroy Milon.  Ce brave homme traita les prisonniers avec tous les égards, malgré les graves accusations qui pesaient sur eux.  Il les plaça dans une chambre dont l’unique fenêtre donnait sur une ruelle appelée Cul de sac des trois-pintes.  Après une tentative d’évasion avortée, les prisonniers furent enfermés à la conciergerie, prison plus sûre.

Le parlement commença les procès. 

Parmi un grand nombre de crimes allégués contre Olivier, il en fut un qui fixa particulièrement l’attention des juges. 

Un gentilhomme arrêté par ordre du roi, était menacé de perdre la vie.  Sa femme qui lui était attachée, sollicita sa libération.  Elle s’adressa à Olivier, lequel - nous le savons - avait un grand crédit auprès du roi.  Sa jeunesse, sa beauté, ses larmes ne laissèrent pas indifférent le favori.  Mais, mal lui en prit, il mit un prix au service qu’il voulait bien rendre.  Heurtée, l’infortunée épouse rejeta la proposition. Elle obtint cependant l’autorisation de voir son mari.  Effrayée du danger qui le menaçait et vaincue par les larmes de son époux, elle consentit à lui racheter la vie par le sacrifice de son honneur.  L’outrage consommé, Olivier ne voulut pas la perdre.  Il craignit qu’aussitôt qu’elle eût obtenu la grâce de son mari, elle lui échapperait.  Alors il prit une décision monstrueuse, inhumaine.  Il expédia l’ordre de faire mourir le mari qui se voyait déjà libre grâce au sacrifice de sa femme.  Daniel, son valet, fut chargé de coudre le malheureux dans un sac et de le jeter dans la rivière.  Le crime fut commis. Le destin ne permit pas qu’il demeura ignoré.  Des pêcheurs en retirant leurs filets sortirent de l’eau le sac et le cadavre.  Le gentilhomme fut reconnu.  Avec effroi, sa femme comprit qu’en voulant le sauver, elle avait provoqué sa mort - Insoutenable calvaire -  La mort dans l’âme, elle se tut tant que Louis XI vécut.  Qu’eût-elle gagné à rendre public son drame ?  Mais après la mort du roi, sa douleur et sa vengeance éclatèrent.  Elle dénonça elle-même l’assassin de son époux.

Devant les juges, Olivier avoua son crime. Condamné à mort, avec Daniel, son complice, il fut pendu au gibet de Montfaucon en 1484.  Son corps demeura là, exposé pendant deux jours après lesquels il fut enterré à Saint-Laurent, paroisse de Montfaucon.   

Quant aux deux autres favoris, l’un fut supplicié et bannis et l’autre dut reverser de
fortes sommes dans les caisses de Madame de Beaujeu.

Maufaucon

 



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