bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

vendredi 6 janvier 2012

Gianni di Guccio, imposteur ou héritier royal ? - 1ere partie


Louis X, Philippe V, Charles IV
 
Qui a entendu parler de Gianni Guccio di Mino di Gieri Baglioni, prétendant à la couronne de France au XIVe siècle ?  Pourtant ses droits furent reconnus, à l’époque, par plusieurs princes et seigneurs. 

Veuve du roi de France Louis X, le Hutin, la reine Clémentine mit au monde en 1316, Jean 1er, dit le Posthume.  Selon la tradition, l’enfant royal mourut au bout de quelques jours.  Le sceptre passa alors dans les mains de Philippe V, son oncle. 

Or, contrairement à l’opinion commune, une lettre authentique de Louis Ier de Hongrie, neveu de la reine Clémentine, affirme que Jean Ier, le Posthume, n’est pas mort.  De ce fait, ce roi suppliait tous les rois, prélats, princes, ducs et autres seigneurs de reconnaître comme roi de France, « le seigneur Jean, dit Guccio, élevé dans la ville de Sienne, mais né du seigneur Louis X, roi de France et de la reine Clémentine d’heureuse mémoire. »

Un pareil document mérite l’attention.  Le récit qui va suivre s’appuie essentiellement sur les archives de la ville italienne de Sienne, dont cette lettre fait partie.

Louis X, le Hutin, mourut le 5 juin 1316, laissant son épouse Clémentine, fille du roi Charles Martel de Hongrie, enceinte de quatre mois.  Le frère du roi décédé, Philippe, comte de Poitou, écarta rapidement du pouvoir sa belle-sœur, Clémence.  Avec l’appui du Grand Conseil, il prit la régence du royaume.  Ce conseil décida que si la reine mettait au monde un fils, Philippe règnerait jusqu’à la majorité de cet enfant.  Dans le cas contraire, malgré la petite  Jeanne de Navarre, héritière de la couronne, il serait roi. 
« Femme ne succède pas à la couronne de France… »

Dans la nuit du 14 au 15 novembre de la même année, la reine donna naissance à un fils que l’on baptisa du nom de Jean.  Le nouveau-né mourut âgé de quelques jours.  On l’inhuma à Saint-Denis.  Philippe fut aussitôt proclamé et sacré roi de France. 

Mais, un récit rapporte qu’à la mort de Louis X, les grands du royaume nommèrent deux barons pour surveiller la reine.  Ils devaient empêcher toute fraude au moment de la naissance de l’enfant.  La reine mit au monde un fils.  A l’annonce de l’heureux événement, le pays tout entier entra dans l’allégresse.  Mais, la belle-mère du régent, l’autoritaire Mahaut, comtesse d’Artois, éprouva une violente déception de voir ainsi le trône passer sous le nez de son gendre.  Elle résolut dès lors d’attenter à la vie de l’enfant royal.  Malveillante, elle commença par répandre le bruit que l’héritier de la couronne était chétif et ne vivrait pas longtemps.  Ces paroles inquiétèrent l’entourage de Clémentine.  On soupçonnait, déjà, l’intrigante comtesse d’avoir fait empoisonné Louis X.  Le jour où le petit prince, devait être présenté au peuple et à la cour, Mahaut réclama l’honneur de le tenir dans ses mains.  Méfiants, les deux barons substituèrent au prince l’enfant de sa nourrice.  Ils l’habillèrent des vêtements et ornements royaux et le remirent à Mahaut.

Jean Ier, le Posthume
Portant le nouveau né dans les bras, Mahaut trouva le moyen de lui faire tant de mal - poison ou étouffement - qu’il mourut la nuit suivante.  De peur d’exposer à nouveau la vie du véritable petit roi, les barons ne parlèrent à personne de cet échange.  Au prix de grandes promesses, ils déterminèrent la nourrice à élever l’héritier de la couronne de France, comme son propre fils. 

Issue d’une famille noble, cette nourrice s’appelait Marie.  Marie vivait avec ses frères et sa mère.  Le père était mort.  Elle fit un jour la connaissance d’un Siennois, Guccio di Mino di Gieri Baglioni.  Il était chargé en France des affaires et des intérêts de son oncle.  Ils s’aimèrent et se marièrent secrètement.  Enceinte, ses frères ne voulurent pas reconnaître le mariage.  Ils forcèrent Guccio à s’éloigner et envoyèrent leur sœur accoucher chez une parente, abbesse aux environs de Paris.  Personne ne devait connaître le déshonneur de leur famille.  Malgré ces précautions, l’affaire s’ébruita et Marie devint de cette manière la nourrice du prince nouveau-né.

Après la mort de son enfant, Marie retourna dans sa famille avec le petit prince.  Guccio voulut voir son fils.  Marie refusa.  Sans succès, Guccio insista.  Finalement, Marie se résolut à lui envoyer, à Paris, le petit Jean.  Guccio ne rendit pas le garçon à sa mère.  Il l’envoya en Italie.  Jean devint désormais Gianni et fut élevé dans la maison de son grand-père à Sienne.  Il apprit la lecture, l’écriture et le calcul.  Quand il eut achevé son éducation, il entra dans la corporation des tisserands.  Il s’occupa ensuite du commerce des métaux et de différents négoces.  Presque ruiné par la banqueroute de son grand-oncle, il vivait fort modestement.  Marié, trois enfants grandissaient à ses côtés.  Cependant, grâce à ses capacités, il devint administrateur de l’hôpital Santa-Maria della Miséricordia.  Grâce à d’heureuses affaires, faites avec l’excédent de la caisse de l’hôpital, il gagna un capital.  Avec cet argent, il entra, comme associé, dans le commerce en gros des laines, des draps et du blé.
Gianni di Guccio vivait comme un honorable bourgeois. Il était honnête et sa piété, notoire.  La confiance de ses concitoyens l’avait appelé plusieurs fois aux fonctions de la cité. 

En France, Marie et les deux barons, toujours retenus par la crainte, n’osaient rien dire de la substitution qui avait eu lieu.  Néanmoins, parmi le peuple, le bruit courait que Jean Ier vivait encore. 
Philippe V mourut en 1322 et Mahaut en 1329.  Clémentine, retirée du monde, rendit l’âme à Paris le 13 octobre 1328.  Guccio mourut en 1340.  Les deux barons moururent dans l’anonymat complet. Un seul témoin restait : Marie.  Au mois de juin 1345, l’ancienne nourrice, près de mourir, envoya demander son confesseur, un Espagnol,  ermite de la règle de Saint-Augustin, nommé Jourdain. Elle lui avoua le sort du roi légitime, adjura le religieux de le chercher et de le faire reconnaître.  Marie lui remit son testament à l’appui de sa déclaration.  Elle quitta ce monde peu de temps après.  Détenteur, malgré lui, d’un terrible secret d’état, le père Jourdain craignit de se mettre en danger et ne fit aucunes recherches.

Depuis le début du règne de Philippe V, les guerres, les défaites, les révoltes, les luttes intestines, les tremblements de terre et les épidémies s’abattaient sur la France.  Voyant le royaume approcher de plus en plus de sa ruine, le père Jourdain crut reconnaître dans tous ces fléaux, la vengeance divine. Dieu châtiait la France dont le véritable souverain vivait pauvre et inconnu loin de son pays.  Dès lors, la conscience du religieux ne lui laissa plus de repos.  Il se résolut de chercher le vrai roi. Celui que Dieu avait certainement prédestiné, d’une manière miraculeuse, à rétablir la paix dans son pays.  Mais Jourdain était âgé et fatigué, il confia le testament de Marie à un autre frère nommé Antoine.  Cet Antoine connaissait l’Italie pour y avoir été plusieurs fois.  Au mois de juillet 1354, Antoine quitta la France, direction la Toscane.  L’envoyé avait atteint Porto-Venere, port très fréquenté de la côte de Gênes, lorsqu’il tomba gravement malade.

Rome, le Capitole, l'ancien palais du Sénateur

Ne pouvant continuer sa route, se croyant en danger de mort et craignant que le secret périt avec lui, Antoine se rappela d’un tribun et sénateur de Rome dont il avait entendu parler : Colà di Rienzo.  Il le tenait pour un homme appelé de Dieu à de grandes choses.  Par lettre, il lui expliqua sa mission, y ajouta le testament, et, le conjura de mettre tout en œuvre pour découvrir le prétendu fils de Guccio.  Ce message arriva à Rome le 17 septembre.  Rienzo répondit qu’on lui avait déjà parlé à Avignon d’une affaire semblable. Il allait aussitôt faire commencer toutes les recherches possibles.  Il expédia à Sienne un envoyé qui trouva Gianni di Guccio.  Il l’invita à se rendre à Rome auprès de Rienzo.  Gianni ne voulut pas partir sans avoir entre les mains une invitation écrite du tribun.  Il la reçut et se mit en route.  Gianni arriva le 2 octobre à Rome, logea dans une auberge située sur le campo di Fiore.  Il alla immédiatement trouver Rienzo au Capitole.  Le tribun le prit à part, l’interrogea sur son passé, puis, voyant que tout concordait avec le récit d’Antoine, il se jeta aux pieds de Gianni, tout surpris par ce geste.  Rienzo lui révéla le secret de son origine, il le salua roi de France.  En vain, Gianni assura qu’il n’était qu’un simple bourgeois de Sienne. Que cette condition lui plaisait, qu’il ne voulait pas être autre chose le reste de sa vie.  Alors pour le persuader, Rienzo évoqua une foule d’histoires semblables à la sienne. Il le pressa si vivement que Gianni, lui-même fut convaincu.  Il se déclara prêt à revendiquer son trône.

Rienzo lui conseilla de tenir provisoirement le secret.  Le tribun ajouta : « qu’il allait prier le pape, l’empereur et les autres princes de la chrétienté d’envoyer à Rome deux fondés de pouvoir pour une grande assemblée dans laquelle la reconnaissance et les droits de Gianni seraient proclamés.  Le pape et les autres souverains, en outre, sommeraient le chef actuel de la France de rendre le trône au maître légitime.  Rome était à la tête du monde, il lui convenait d’examiner les droits de chaque souveraineté et de détruire l’injustice dans le royaume de France, d’autant mieux que le premier roi de ce pays avait été un romain. ». 
En même temps, Rienzo lui remit un sceau formé sur le modèle du sien : au milieu était le soleil, et à l’entour douze rayons et douze étoiles pour désigner les douze pairs de France.  Le lendemain il rendit à Gianni beaucoup d’honneurs et lui remit une double copie du document relatif à sa naissance, avec une lettre pour le légat du pape, Albornoz.  Le tribun engagea vivement le prétendant au trône de France à se rendre auprès du légat.  Gianni devait le prier, au nom du tribun, d’envoyer aussitôt des troupes à Rome.  Les Colonna et la noblesse romaine préparaient un coup de force contre le pouvoir.  Gianni lui-même, ajoutait-il n’était pas en sécurité auprès de lui.  Le 4 octobre, au matin, Gianni alla faire ses adieux au tribun.  Après avoir prié dans l’église Saint-Pierre, il se dirigea vers la route de Monte-Fiascone où se trouvait le légat.  A la porte, un soldat originaire de Sienne le reconnut.  Il lui conseilla de s’éloigner en toute hâte.  On avait vu qu’il était lié avec le tribun qui allait d’un moment à l’autre être renversé.  Les Colonna contrôlaient déjà dans Rome plus de deux cents mercenaires.  Gianni retourna encore une fois auprès de Rienzo.  Il lui rapporta ce qu’il venait d’entendre.  Il le conjura de quitter le Capitole et de se mettre en lieu sûr jusqu’à l’arrivée des secours.  Rienzo refusa. Le tribun pria seulement Gianni de hâter son voyage.  Celui-ci marcha, en effet, toute la nuit.  Le jour suivant, vers midi, il arriva à Monte-Fiascone.  Albornoz, lut la lettre du tribun, chargea son principal lieutenant, André Salmoncelli, de tenir des troupes prêtes à partir pour Rome.  Déjà tout était disposé, lorsque le parti pontifical d’Orvieto appela le légat.  Ajournant l’aide à Rienzo, le légat, accompagné de Gianni se rendit dans cette ville.  Deux ou trois jours passèrent, quand on reçut la nouvelle de la chute et du meurtre de Rienzo.
A suivre…


Rome, statue de Colà di Rienzo

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