bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

mardi 29 novembre 2011

Poggio, un humaniste facétieux du XVe siècle

Une fois n’est pas coutume.  Je commence ce billet par un texte un peu léger.  Un peu léger, c’est encore à voir. Mais il va sûrement plaire au lecteur.  Notre esprit, préoccupé par nos soucis quotidiens, a parfois besoin de se détendre. Le texte qui suit est extrait des « Facéties » de Poggio, personnage dont il sera question par après. Il ne faut pas perdre les bonnes habitudes.  


Les braies de Saint-François

« Une femme, poussée, comme je le pense, par le désir de bien faire, se confessait à un religieux mineur.  Celui-ci, tout en parlant, s’enflamma de concupiscence, et ayant à force de paroles finit par amener la femme à faire sa volonté.  Ils cherchaient les moyens à faire la chose.  Il fut convenu que madame feignant d’être malade, ferait appeler le frère en qualité de confesseur, car on a l’habitude de laisser seuls cette sorte de personnages, pour qu’ils aient toute faculté de parler des intérêts spirituels du patient alité.  La dame se met donc au lit, simule une violents douleur, puis fait appeler le frère qui s’empresse et reçoit caresses et baisers sans témoin.  Quelqu’un étant survenu, il part en remettant la fin de la confession au lendemain.  Tandis qu’il est à son poste, le mari trouve la confession un peu longue et entre dans la chambre à coucher.  Le frère se sauve, mais en oubliant ses braies.  A cette vue, le mari s’écrie que ce n’est pas un frère, mais un adultère.  Toute la maison, à la vue des braies, fait chorus avec lui.  Il va trouver sans retard le supérieur du couvent, se plaint et menace le coupable de mort.  Le supérieur qui était un vieillard, apaise sa colère en lui faisant remarquer qu’il s’exclame à sa honte et à celle de sa famille, qu’il faut du silence et du secret.  Le mari réplique que l’aventure n’est plus à cacher, mais le vieillard annonce un remède : il assurera que les braies en question sont celles de Saint-François, que le frère avait emportées pour sauver madame, de plus le frère viendra les chercher pour les reporter processionnellement.  Le dessein est approuvé.  Le supérieur convoque les frères, précédé de la croix, se rend en habits sacerdotaux à la maison du mari. Il saisit dévotement les braies, les porte à bras tendus sous un dais de soie, comme de saintes reliques.  Il les présente à baiser au mari, à la femme, à tous le monde, et les place dans le trésor du couvent avec cérémonie et au son des hymnes sacrées. »

Poggio Bracciolini

« …Poggio, Voltaire florentin, implacable railleur, bouffon plein de science, de politique, de génie, secrétaire à la fois de trois papes et du Bugiale…  ne s’attaque pas seulement aux ridicules du peuple : sa moquerie atteint à la fois le noble et le bourgeois, le tyran et l’esclave, le prêtre et le philosophe»
Taine.

Poggio Bracciolini, que l’on a coutume d’appeler Pogge, voit le jour en 1380, au château de Terranuova, près d’Arezzo.  Ses aïeux exerçaient la fonction de greffier à Lanciuolina, près de Terranuova.
Poggio avait un frère qui ne devait pas faire pas chose, car il s’en plaint comme d’un paresseux qui est à sa charge. Il eut une sœur, Catarina. 

A dix-huit ans, Poggio se rend à Florence.  Giovanni Malpaghino, plus connu sous le nom de Jean de Ravenne, lui donne ses premiers éléments littéraires.  Depuis la mort de son ami Pétrarque,  Jean de Ravenne, donnait des leçons publiques de littérature à Florence.
Poggio se tourne ensuite vers l’étude des textes grecques et choisit pour maître, un noble de Constantinople, Emmanuel Chrysoloras.
Il ne néglige pas non plus l’étude de l’hébreu.

De Florence, Poggio va à Rome.  En 1402, sous le pontificat de Boniface IX, il devient scripteur des lettres pontificales. On donne ce nom, dans la chancellerie romaine, aux officiers qui dressent les bulles et autres écrits.  Sous Innocent VII, notre homme trouve la même faveur.  Sous Grégoire XII, Poggio prend quelques vacances à Florence.  Sous Alexandre V, il reprend ses fonctions.  Il devient, en 1412, le secrétaire du pape Jean XXIII.

Au concile de Constance, la déposition de ce pape laisse quelques loisirs aux employés de la chancellerie.  Poggio et quelques collègues se rendent au monastère de Saint-Gall, attirés par la renommée de sa bibliothèque.  L’abbé Henri de Gundelfingen les accueille avec bienveillance. Il leur ouvre la bibliothèque et une tour dans laquelle les moines avaient transporté, pour les protéger, un grand nombre de livres rares.
Les compères y découvrent des trésors de littératures antiques.  Grâce à l’abbé, ils emportent de nombreux ouvrages précieux.  Ils n’ont pas été de main morte.  Deux chariots remplis de livres de très grandes valeurs prennent la route de Constance. 

A Saint-Gall, on maudit toujours Poggio et ses amis pour avoir emporté tant de richesses et l’inconscient abbé pour avoir été beaucoup trop généreux avec ces étrangers.

A Constance, Poggio est témoin du procès et du supplice de Jérôme de Prague.  Il écrit alors cette célèbre lettre sur ce martyr « …qui offrit l’exemple d’une mort telle qu’on n’en vit jamais de plus philosophique… »

Martin V

Jean XXIII déposé, Poggio quitte Constance à la suite de Martin V.  Toujours avide de livres, il part pour l’Angleterre.  Il ne trouve pas de livres dans ce pays,  Il y trouve, écrit-il, des gens livrés à une grossière sensualité, très peu amis des lettres et encore à moitié barbares.

Après un séjour à Paris, il revient à Rome, à la fin de 1420 et devient l’un des secrétaires de Martin V.  Ce pape décède pendant le procès de Jeanne d’Arc.  Eugène IV le remplace.  Le pontificat de celui-là n’est pas des plus tranquilles.  Ce pape violent doit s’enfuir de Rome, déguisé en moine.  Il trouve refuge à Florence.  Poggio partit pour le rejoindre, tombe entre les mains des partisans du duc de Milan.  Une forte rançon est versée pour obtenir sa liberté. 

A Florence, il trouve les Medicis abattus.  Leurs partisans dispersés. Cosme, ami de Poggio, banni de la république.  Le libelliste, Filelfo ne se prive pas d’injurier quotidiennement les Medicis et leurs partisans.  Tant que Cosme reste proscrit, Poggio se tait.  Mais lorsque le peuple florentin rappelle Cosme, Poggio se venge de Filelfo.  Pour se venger et venger son ami Cosme de l’impudent, il écrit trois terribles invectives.

« le sang des dieux et un père consacré par la religion, voilà ce qui te rend si fier et si insolent.  Oui, fils d’un prêtre de quelques bourgade du Tolentin et d’une mère si pieuse qu’elle fit sacrifice de son corps à ce prêtre, tu t’enorgueillis de ta divine origine…. »

Cosme de Medicis

Le calme revenu, Poggio exprime le désir de passer le reste de son existence en Toscane.  A la campagne, il achète une petite maison.  Il la rend précieuse, pour ses amis, par une riche bibliothèque et par une belle collection de statues dont il orne son jardin.
De ses années romaines, il a fait un état détaillé des antiquités de cette ville.  Les érudits  regardent comme un bonheur de l’avoir pour guide de l’ancienne Rome.   Curieux, Poggio étend ses recherches dans les environs de l’ancienne capitale du monde.
Sa passion pour l’antiquité, le conduit encore plus loin.  Il demande aux voyageurs qui se rendent en Grèce de lui rapporter des ouvrages sur la statuaire antique de ce pays.
Il demande a un nommé Suffretus, habitant Rhodes, célèbre pour sa collection d’anciens marbres de lui envoyer un ou plusieurs morceau de sculpture.  Ce qu’il fait.  Par une noble libéralité, il fait parvenir à Poggio, trois bustes en marbre attribués à Polyclète et à Praxitèle.

En hommage à son amour pour les belles lettres et pour l’art, le pouvoir de son pays déclare par un acte officiel qu’il est désormais affranchi, ainsi que sa descendance, de tous impôts et taxes.

Bien qu’il n’est pas marié, qu’il porte l’habit ecclésiastique, il a des enfants.  A cinquante-cinq ans, il épouse une jeune fille de dix-huit ans.  On raconte qu’il délibéra quelque temps sur les inconvénients de cette différence d’âge.  Il composa, à ce sujet, un traité dans lequel il pesait le pour et le contre.  Son mariage prouva que le pour l’emporta.

Retiré dans maison, loin des orages politiques, il y passe paisiblement de longues années, uniquement occupé d’études et de travaux littéraires.  Ses meilleurs ouvrages datent de cette époque.
L’âge avançant, ses protecteurs et ses amis, disparaissent les uns après les autres.  Il rend hommage à leur souvenir par de belles oraisons funèbres.

Eugène IV

Vieil ami de Poggio, Nicolas V remplaça sur le trône de Saint-Pierre Eugène IV décédé en 1447.  vieux courtisan, notre homme lui adresse des félicitations.  Connaissant la plume satirique de Poggio, le nouveau pontife le charge d’écrire contre Amédée de Savoie, qui, sous le titre de Félix V, persiste de se dire pape.  Il remplit largement les intentions de Nicolas V.
Mais Poggio est encore plus utile au pape en traduisant du grec en latin, Diodore de Sicile et la Cyropédie de Xénophon.


Rome


En 1450, la peste désole l’Italie.  L’affluence des pèlerins venus pour le jubilé concentre dans Rome le foyer de l’épidémie, ce qui oblige le pape, dès qu’il a terminé les solennités d’ouverture, à se retirer à Fabriano, dans la région d’Ancône.
Poggio profite du changement de résidence du saint-père pour visiter le lieu de sa naissance.  C’est alors, en des circonstances analogues à celles où naquit Le Décaméron, qu’il écrit ses facéties ou contes.  La préface et la conclusion en font connaître le but et l’origine.  Par beaucoup, ce recueil est vivement blâmé et jugé digne d’être jeté au feu.  D’autres pensent que les facéties, obscènes, ont été à tort attribuées à Poggio.  Quoiqu’il en soit « Ce seul ouvrage, dit Sallengre, a plus contribué à faire connaître le Pogge que tout ce qu’il a écrit d’ailleurs.  Il fut le premier qui publia quelque chose dans ce goût-là, et il a été suivi d’une infinité d’autres qui souvent ont pillé ses contes sans lui en faire honneur… »
« …cet ouvrage, dit encore Shepherd, doit une partie  de son succès aux curieuses particularités qu’il renferme sur différents personnages des XIVe et XVe siècles, à une foule d’observations piquantes et singulières que quelques beaux esprits modernes se sont souvent attribuées. »
« Les hommes marquants de cet âge, écrit encore Taine, sont les humanistes, restaurateurs passionnés des belles-lettres grecques et latines…ils fouillent les bibliothèques de l’Europe pour découvrir et publier les manuscrits ; non seulement ils les déchiffrent et les étudient, mais ils s’en inspirent, ils se font anciens d’esprit et de cœur, ils écrivent en latin presque aussi purement que les contemporains de Cicéron et de Virgile.  Le style devient tout d’un coup exquis et l’esprit tout d’un coup adulte….le langage est devenu noble en même temps qu’il est devenu clair… »

Florence

En 1453, la place de chancelier de la république est vacante, on choisit Poggio.  Il quitte Rome et vient s’établir à Florence avec sa famille.  On le nomme prieur des Arts.  Il entreprend d’écrire une histoire de Florence, mais ne la termine pas.  Il meurt le 30 octobre 1459. 

les Florentins lui érigèrent une statue qui fut placée sur la façade de l’église de Santa-Maria del fiore. 

De la Mitre

On demanda un jour à ce même religieux ce que signifiaient les deux pointes qui sont aux mitres des évêques.  «  L’une, dit-il, signifie l’Ancien et l’autre le Nouveau Testament, que les évêques doivent savoir par cœur. – mais que signifient les deux cordons qui pendent à la mitre derrière le dos ? – Cela veut dire que les évêques ne savent ni l’Ancien ni le Nouveau Testament. »

 Poggio – Les Facéties.

    
Poggio

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