bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

vendredi 28 octobre 2011

Portugal 1910, la fin d'une monarchie, dernière partie


A 13. 30, mission accomplie, le capitaine de Melo revient à Ericeira.  Il rend le cheval à son propriétaire.  L’officier retrouve Bensabat et le prévient que la famille royale va embarquer.  Il faut organiser son transfert à bord de l’Amelia.  

14.00, à Mafra, on prépare le départ.  Les voitures attendent devant la porte sud du palais.  Il faut protéger le roi pendant le trajet.  Qui ira dans la voiture de tête ?  Dans quelle voiture montera le roi ?   Les circonstances sont tragiques, la reine Amelia est nerveuse, elle a vu son mari et son fils aîné, tous deux assassinés sous ses yeux, elle ne veut pas voir Manuel subir le même sort.  Tout est confus, on ne sait rien. Les révoltés marchent-ils sur Mafra ?  Les routes sont-elles barrées ? Des combats ont-ils lieu dans les environs ?  Aucunes réponses, et pas de nouvelles de Serrao. 

On organise pour la protection du roi une dernière garde d’honneur et de sécurité.  Dix lanciers du régiment El Rei, armés de carabines et douze cavaliers, élèves de l’école de Mafra, sabre au clair, forment l’escorte royale.  A l’avant-garde trois lanciers sont chargés de prévenir tout danger.  La première automobile est celle de la reine Amelia accompagnée de Maria Francisca de Meneses, de la comtesse de Figueiro et de Vasco da Câmara.  La reine-mère Maria Pia, la marquise de Unhao et le comte de Mesquitela prennent place dans la deuxième voiture.  Dans le dernier véhicule se trouve le roi, le comte de Sabugosa, le marquis de Faial, JoaoVelez Caldeira et Antonio Waddington.  En protection rapprochée, l’étrier contre la voiture de Manuel, le sous-lieutenant D. Fernando Pereira Coutinho.  Derrière eux, quelques habitants de Mafra, derniers fidèles, les suivent.  Le convoi ainsi constitué quitte Mafra.
Le chef de la station télégraphique de Mafra envoie aux autorités du télégraphe-postal le message suivant : « Leurs majestés le roi D. Manuel et les reines D. Amélia et D. Maria-Pia ont quitté Mafra en direction d’Ericeira. »

Une certaine gravité se lit sur tous les visages.
Les automobiles roulent à une allure modérée et l’escorte suit au trot ou au galop selon les circonstances.  Un trajet sans incidents excepté à la sortie de Mafra où la voiture de Manuel pose un léger problème, vite résolu.

Il est 14.30, quand les automobiles atteignent Ericeira.  La tension diminue parmi les passagers. 
A l’entrée de la ville, épuisé, en nage et couvert de poussière, les bras levés, Serrao fait signe au convoi de s’arrêter.  Il s’approche de la voiture de Manuel. 
« Y a-t-il des nouvelles ? » demande le roi
« Non monseigneur, mais il faut prendre un autre chemin. » répond Serrao sans autre explication.

Rua do Norte

Serrao monte dans la première automobile, il indique la route.  On tourne d’abord à droite.  Le convoi longe la propriété du guide improvisé, puis le mur du cimetière.  Les voitures entrent dans la ville  par la rua do Norte.  Elles évitent de cette manière le centre de la ville où la foule est toujours rassemblée.  Le convoi s’arrête devant l’église Sâo Pedro.  Les voitures se vident de leurs occupants, une partie de l’escorte à cheval met pied à terre.  Les habitants de la place sortent de chez eux, regarder l’événement. Voyant Amelia fatiguée, une dame propose de la faire entrer chez elle  se reposer, le temps de prendre une collation. Avec remerciements, la reine accepte l’hospitalité qui lui est offerte. 

Eglise Sâo Pedro

L’endroit de l’embarquement n’est plus très éloigné, dix minutes tout au plus.  Après s’être rassemblé, le groupe continue à pied.  Le roi, entouré de Serrao et de Faial, ouvre la marche.  Maria Pia donne le bras à Mesquitela et à la marquise de Unhao.  Amelia accompagnée de ses dames Figueiro et D. Maria Francisca de Meneses et ses deux veneurs, les suivent.  S. Lourenço, Velez Caldeira, Waddington, Feijo Texeira et d’autres encore forment la fin du cortège.

Maison où s'est reposée la reine Amelia et point de départ du dernier trajet


Dernier trajet
Maison du docteur Cardoso
Ils prennent la rua Sâo Pedro, aujourd’hui la rua Paroquial, continuent par la travessa do Estrela.  Sur ce trajet, ils passent sur le côté d’une place.  Là, habite un républicain de la première heure, le docteur Cardoso.  Sachant que le roi passait par là, l’un de ses fils a décoré la façade de la maison paternel du drapeau républicain.  Entouré, préoccupé, Manuel ne voit pas la provocation.  Le groupe traverse le rua do Norte, puis arrive dans la rua do baixo pour atteindre le fort. 

Dernier trajet
Dernier trajet
Au fond,  le fort
De là, ils descendent la rampe qui conduit à la plage.  Sur le sable, deux grandes barques de pêche les attendent.  A côté d’elles, Bensabat et sept marins, ils formeront l’équipage.


L'arrivée de la famille royale sur la plage


La nouvelle de l’arrivée du roi et de son embarquement a fait rapidement le tour de la petite ville.  De nombreux curieux se pressent sur les hauteurs de la falaise pour voir Manuel.  Respectueux, personne n’envahit la plage.  Soudain, parmi cette foule, des femmes crient : « Ô notre roi ! ».
Sur la plage, proche du souverain, une petite fille de pêcheur, Serrao la voit et dit : « votre Majesté, embrassez cette enfant.».
Manuel se penche, prend l’enfant dans ses bras, le soulève et l’embrasse.  Le geste royal a touché.  Du haut de la falaise, les clameurs redoublent.  La population enthousiasmée descend vers la plage.
Serrao s’inquiète de voir tant de monde se précipiter sur les rampes, au moment où la famille royale va monter dans les barques.  Comment éviter le choc, la bousculade ?
Mais l’homme a de la ressource.  Habilement, d’un pas calme et décidé, il s’avance vers la foule.  Elle s’arrête.  Il enlève son chapeau.  Dans un grand mouvement, il l’agite en direction de la multitude, et, d’une voix puissante que tous peuvent entendre, il crie : «  Merci ! merci à tous ! pour l’affection que vous témoignez à votre roi. ».  Ensuite, sans perdre de temps, Serrao prend le roi par les épaules et le fait monter dans la première barque.
Dans l’embarcation, Manuel demande à Serrao de rester sur place après leur départ.  A bord du yacht, il remettra une lettre à Bensabat.  Serrao devra la remettre à Antonio Texeira de Sousa, l’ex-président du Conseil.  Après ces quelques mots et un au revoir teinté de saudade, la barque est aussitôt mise à l’eau.

L'embarquement
A bord de l’Amelia, les jumelles rivées aux yeux, les officiers regardent toute cette activité.  Mais sans contact avec la côte, ils ne savent pas ce qui se passe.  Ils voient seulement que les embarcations  vont affronter une mer difficile.  A peine celles-ci se sont engagées sur l’eau que de grosses vagues se fracassent contre les coques.  Les passagers se voient fortement secoués, ils ont beaucoup de mal à tenir leur équilibre.  Sur le yacht royal, Moreira de Sa considère leur situation délicate, il faut les aider.  Il envoie une chaloupe leur prêter main forte pour aborder et monter dans le bateau.  Grâce à ce coup de main, au courage et à une prise ferme, le roi et ses proches se retrouvent très vite en sécurité sur l’Amelia.

Fidèle parmi les fidèles, Serrao attend sur la plage, la lettre de son roi.

Peu de temps après les deux barques reviennent.  Bensabat saute sur le sable.  Serrao se dirige vers lui.  Bensabat lui tend une enveloppe fermée.  Ce sera la dernière mission de Serrao.

16.00, le yacht royal lève l’ancre.  Il prend la route du sud.  Il emporte avec lui le dernier représentant de la monarchie portugaise, le benjamin des rois, Manuel II, victime de ce qu’appelait Umberto d’Italie  « les risques du métier de roi ».


A Portuguesa

                                                 Héros de la mer, Peuple noble           
Nation vaillante, immortelle
Relevez aujourd’hui à nouveau
La splendeur du Portugal !

Entre les brumes de la mémoire
Oh Patrie, on entend la voix
De tes illustres aïeux
Qui te guidera vers la victoire

Aux armes, aux armes !
Sur la terre et sur la mer
Aux armes, aux armes !
Et contre les canons, marcher, marcher !



La plage du départ de nos jours

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