bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

lundi 28 mars 2011

Les deux Sapho

Dans un guide touristique récent sur l’île grecque de Lesbos, on peut lire que « …Sappho est née à Eressos en 612 av. JC…  Des troubles politiques la conduisirent … en Sicile. Après quelques années elle revint à Lesbos… à Lesbos, on frappa des monnaies à son effigie avec l’inscription : SAPPHO DE LESBOS… ».  Dans un autre on écrit : «… Selon Sonidas, Sappho est née à Eressos alors que d’autres prétendent qu’elle est née en 612 avant JC à Mytilini… ».  Les deux guides ne parlent ni de l’amour de Sapho pour Phaon ni de son suicide à Leucade. Bien qu’une illustration de sa mort figure dans l’une des deux publications.

Alors, Eressos, Mytilène ou les deux ?

Voyons les faits :

Suivant Suidas, Sapho vint au monde en -612, jusque là tout le monde est d’accord. Des marbres antiques nous donnent même la date de son exil à Syracuse (-596).
Hérodote, quelqu’un de sérieux, né vers -484, donne des détails sur la vie de Sapho, mais ne parle pas ni de Phaon ni de Leucade. 
Hermesianax, qui a écrit une élégie sur les « désordres » des poètes célèbres et en particulier sur ceux de Sapho, ne dit mot de Phaon et du saut fatal.  Strabon, élogieux envers Sapho, est silencieux sur sa fin funeste.  Le premier à avoir parlé du saut de Leucade est Ménandre, un vrai comique celui-là et pas misogyne pour un euro. Il faut l’entendre parler des femmes : « une femme honnête doit rester chez elle, la rue est pour la femme de rien » ou encore «  de toutes les bêtes sur terre et sur mer qui existent, la plus méchante bête est la femme ». Qu’est-ce que cela doit être quand il parle de la belle-mère. Ce personnage vivait à la fin du quatrième et au début du troisième siècle avant JC.
Aurait-il eu des informations que ne possédaient pas ces prédécesseurs ?
Pas du tout, les siècles ont avancé et, entre-temps,  une autre femme prénommée Sapho est née à Lesbos.
Nymphis, d’Aelien, Suidas, reconnaissent effectivement deux Sapho.  Athenée ajoute, qu’outre la Sapho de Mytilène, il y en avait une à Eressos.
Ainsi s’explique, le mutisme d’Hérodote et des autres sur Phaon et la mort tragique de la poétesse. Ils ne pouvaient en parler, puisque ces faits ne concernaient pas la poétesse de Mytilène , et que la Sapho de Ménandre, n’était pas encore née. 


Deux femmes du nom de Sapho, toutes deux renommées, ont donc vécu à Lesbos. L’une vint au monde à Mytilène en -612, l’autre naquit à Eressos, quelques siècles après, on ne sait pas bien la date.  La première était la célèbre poétesse,  la seconde fut « une de ces belles de grand renom », qui dut, sans doute, sa célébrité à ses sentiments pour Phaon et à la tragédie de Leucade.

Comment de ces deux femmes on n’en fit qu’une :

La poétesse, bannie de Mytilène, émigra en Sicile (chronique de Paros).  Longtemps après, dans la même île grecque (eh oui), la Sapho d’Eressos poursuivit Phaon qui fuyait sa passion plus que dévorante. En quatre mots, elle harcelait son amant.
Ce point de ressemblance, outre celui de l’homonymie et de la patrie commune (l’île de Lesbos), est peut-être la cause de la confusion où sont tombés les auteurs anciens.   
Ils attribuèrent à la première tout ce qui concernait la seconde. Ils confondirent jusqu’aux époques différentes où elles vécurent. Ils mélangèrent encore les lieux de naissance des deux Sapho. C’est dans ces erreurs, qu’est probablement tombé l’auteur de l’art d’aimer. 
Ovide accumula dans son héroïde, les talents poétiques de l’une et les aventures et infortunes de l’autre. 
Cet imbroglio historique avait, pour avantage d’enrichir et d’embellir son œuvre. Ovide était poète, ne l’oublions pas.
Que ne pardonne-t-on pas aux poètes.
Ainsi, Ovide et quelques écrivains anciens, en paraissant connaître qu’une seule Sapho ont causé la méprise actuelle.

J.D.

RM : Athanase Paraskévaïdes, poète, écrivain, sculpteur, que j’ai eu la chance de rencontrer, savait que la grande poétesse était de Mytilène. Il a, un jour, sous le beau ciel de cette cité, fait ériger la statue de Sapho, que l’on voit aujourd’hui.
Je lui rends hommage avec ces quelques mots.


le suicide de Sapho

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire